Contrairement aux couples mariés ou unis civilement, les conjoints de fait échappent aux règles du partage du patrimoine familial et du régime matrimonial, ce qui les autorise à modeler leurs affaires comme ils l’entendent, dans le respect de l’ordre public. En cas de séparation, les conjoints de fait ne peuvent pas, entre autres, demander de prestation compensatoire lorsqu’il y a déséquilibre entre les patrimoines de chacun.
Cependant, dans les cas où l’un des conjoints a contribué, en apport en biens ou en services, à enrichir le patrimoine de l’autre tout en s’appauvrissant, il lui sera possible d’intenter un recours en enrichissement injustifié afin d’obtenir une indemnité. Ce principe, déjà reconnu par la doctrine et la jurisprudence, est maintenant codifié aux articles 1493 à 1496 du Code civil du Québec.
Qui peut intenter le recours
Il est aussi à noter que la demande doit être faite par le conjoint lui-même. Des héritiers ne pourraient donc pas intenter un tel recours.
Délai pour intenter le recours
Il faut noter que le conjoint qui souhaite exercer ce recours doit le faire dans les 3 ans de la cessation de la vie commune.
Critères
Pour avoir gain de cause, le conjoint lésé doit démontrer que toutes les conditions suivantes, établies par la Cour suprême du Canada en 1977 dans Cie Immobilière Viger c. L. Giguère Inc., sont réunies :
- Un enrichissement du patrimoine de son conjoint ;
- Un appauvrissement de son propre patrimoine ;
- Une corrélation entre l’enrichissement et l’appauvrissement ;
- Une absence de justification ;
- Une absence de fraude à la loi ;
- Une absence d’autre recours ;
Le droit à une compensation fondée sur l’enrichissement injustifié n’est toutefois pas automatique pour toute personne vivant en union de fait. Comme la Cour suprême l’enseigne dans Québec (Procureur général) c. A., le recours doit recevoir une interprétation prudente, généreuse, mais fidèle aux conditions mentionnées précédemment. Cela signifie que le dédommagement doit servir uniquement à compenser l’apport d’un conjoint à l’enrichissement de l’autre, et non de lui permettre de partager l’accroissement de la valeur du patrimoine de ce dernier.
Pour obtenir une indemnité fondée sur l’enrichissement injustifié, une contribution financière significative, ou des heures et de l’énergie consacrées allant au-delà de celles à laquelle on peut s’attendre normalement doivent nécessairement exister et être démontrées.
À titre d’exemple, un conjoint de fait ayant financé et bâti la résidence des parties à temps plein, pendant que l’autre partie pouvait continuer de travailler, pourrait envisager ce recours. En effet, le conjoint qui construisait la maison s’est privé de salaire, en augmentant la valeur du patrimoine de l’autre qui pouvait continuer de travailler et de générer des revenus.
La situation des parties devra être considérée et évaluée dans son ensemble, selon leur mode de vie, le système de partage des tâches, les contributions respectives aux dépenses du ménage, ainsi que les ententes intervenues entre elles à cet égard.
Enfin, lorsque les conditions sont réunies, le recours du conjoint de fait est maintenu pour la moindre des deux sommes suivantes : l’enrichissement de son conjoint ou son propre appauvrissement.