Lors d’un divorce, la question de la pension alimentaire pour un ex-époux est souvent cruciale et délicate. En vertu de l’article 15.2 de la Loi sur le divorce, les tribunaux peuvent ordonner le versement d’une prestation alimentaire pour assurer l’équité économique entre les ex-époux. Cette disposition permet d’adresser les déséquilibres financiers résultant de la fin du mariage, en prenant en compte les ressources, les besoins, et la situation globale de chaque époux. L’ordonnance alimentaire vise à compenser les désavantages économiques subis par l’un des époux et à favoriser son indépendance économique. Les tribunaux s’efforcent ainsi de garantir une répartition équitable des conséquences économiques du divorce, tout en respectant les ententes mutuelles des parties, dans la mesure où elles sont conformes aux objectifs légaux.
Article 15.2 de la Loi sur le divorce
Lors d’un divorce, le Tribunal peut ordonner le versement d’une pension alimentaire pour un ex-conjoint. L’article 15.2 de la Loi sur le divorce est la disposition pertinente en la matière :
Ordonnance alimentaire au profit d’un époux
15.2 (1) Sur demande des époux ou de l’un d’eux, le tribunal compétent peut rendre une ordonnance enjoignant à un époux de garantir ou de verser, ou de garantir et de verser, la prestation, sous forme de capital, de pension ou des deux, qu’il estime raisonnable pour les aliments de l’autre époux.
Ordonnance provisoire
(2) Sur demande des époux ou de l’un d’eux, le tribunal peut rendre une ordonnance provisoire enjoignant à un époux de garantir ou de verser, ou de garantir et de verser, dans l’attente d’une décision sur la demande visée au paragraphe (1), la prestation, sous forme de capital, de pension ou des deux, qu’il estime raisonnable pour les aliments de l’autre époux.
Modalités
(3) La durée de validité de l’ordonnance ou de l’ordonnance provisoire rendue par le tribunal au titre du présent article peut être déterminée ou indéterminée ou dépendre d’un événement précis; elle peut être assujettie aux modalités ou aux restrictions que le tribunal estime justes et appropriées.
Facteurs
(4) En rendant une ordonnance ou une ordonnance provisoire au titre du présent article, le tribunal tient compte des ressources, des besoins et, d’une façon générale, de la situation de chaque époux, y compris :
- a) la durée de la cohabitation des époux;
- b) les fonctions qu’ils ont remplies au cours de celle-ci;
- c) toute ordonnance, toute entente ou tout arrangement alimentaire au profit de l’un ou l’autre des époux.
Fautes du conjoint
(5) En rendant une ordonnance ou une ordonnance provisoire au titre du présent article, le tribunal ne tient pas compte des fautes commises par l’un ou l’autre des époux relativement au mariage.
Objectifs de l’ordonnance alimentaire au profit d’un époux
(6) L’ordonnance ou l’ordonnance provisoire rendue pour les aliments d’un époux au titre du présent article vise :
- a) à prendre en compte les avantages ou les inconvénients économiques qui découlent, pour les époux, du mariage ou de son échec;
- b) à répartir entre eux les conséquences économiques qui découlent du soin de tout enfant à charge, en sus de toute obligation alimentaire relative à tout enfant à charge;
- c) à remédier à toute difficulté économique que l’échec du mariage leur cause;
- d) à favoriser, dans la mesure du possible, l’indépendance économique de chacun d’eux dans un délai raisonnable.
L’aspect social de la pension alimentaire pour ex-époux
Les tribunaux rappellent souvent le volet social rattaché à l’octroi d’une telle pension alimentaire. Les décisions en la matière ordonnent le paiement d’une pension alimentaire pour venir compenser un ex-conjoint des conséquences négatives dues au mariage sur sa carrière ou sa capacité à toucher des revenus qui lui auraient permis d’être financièrement autonome.
Fin de la pension alimentaire pour ex-époux
Également, il est de jurisprudence constante de reconnaitre qu’une pension alimentaire pour ex-époux peut prendre fin à une date prévue ou lorsque la situation des parties aura suffisamment évoluée, par exemple avec une modification des revenus de l’une des parties.
Cependant, lorsqu’un recours est introduit, les tribunaux peuvent également mettre fin à une pension alimentaire ou la réduire si le créancier alimentaire ne fait pas d’efforts raisonnables pour gagner des revenus ou que ce dernier n’entreprend aucune démarche pour faire fructifier son actif.
Une décision importante de la Cour suprême, Bracklow c. Bracklow, est même venue reconnaître que l’état de santé d’un ex-conjoint peut entraîner le versement d’une pension alimentaire sans nécessairement en envisager une fin.
Malgré la ratification judiciaire d’un consentement sur mesures accessoires qui viendrait régler un dossier de divorce et le terme qui pourrait y être prévu, les tribunaux peuvent ordonner au débiteur alimentaire de continuer de verser une pension alimentaire au bénéfice de son ex-conjoint. Les tribunaux donnent certes un poids non négligeable à l’intention des parties intégrées dans une ordonnance judiciaire.
Entente entre les parties
Cependant, les tribunaux sont invités à faire preuve de déférence à l’égard d’une entente mutuellement acceptable pour les époux à la condition qu’elle soit valide et qu’elle soit globalement conforme aux objectifs de la Loi sur le divorce.
Dans les deux cas, le Tribunal a le pouvoir de modifier l’entente des parties s’il estime que les circonstances le justifient, d’où l’importance de la preuve à soumettre et de la trame factuelle pour chacun des dossiers qui font l’objet d’un contentieux.
Nouvelle union de fait ou nouveau mariage
Les tribunaux ont même considéré qu’un changement qui repose sur un nouveau concubinage n’engendre aucune présomption d’autonomie financière du créancier alimentaire qui vit nouvellement concubinage, contrairement au remariage qui peut constituer, lui, un facteur important à considérer.
En conclusion, l’article 15.2 de la Loi sur le divorce offre un cadre juridique flexible permettant aux tribunaux de rendre des décisions justes et adaptées aux circonstances individuelles des ex-époux. La pension alimentaire pour l’ex-époux joue un rôle essentiel dans la correction des inégalités économiques issues du mariage et de son échec, en soutenant notamment les époux qui ont sacrifié des opportunités professionnelles pour le bien du foyer. Bien que les tribunaux respectent les ententes mutuelles entre les parties, ils conservent le pouvoir de les modifier en cas de changement significatif de situation. Ce dispositif vise à assurer non seulement l’équité économique immédiate, mais aussi l’autonomie financière à long terme des ex-époux, reflétant ainsi les valeurs de justice et d’équité inhérentes au droit familial canadien.